Evaluation de l’exposition aux cytotoxiques par prélèvements surfaciques cutanés

par | 14 février 2022 | Actualités, Toxicologie

En milieu professionnel, une des principales voies d’absorption des agents cytotoxiques est la voie cutanée : contact direct ou projection lors de la préparation, de la manipulation des excrétas ou de l’élimination des déchets, surfaces contaminées.  

La toxicité importante des médicaments anticancéreux (MAC) impose la mise en oeuvre de mesures de prévention des expositions pour les salariés en contact avec ces MAC (ou avec des objets souillés par les MAC) et en contact avec les malades recevant leurs traitements.
Dans ce cadre-là,
l’intervention d’une chimiste-toxicologue de l’ASTI a été sollicitée afin d’évaluer l’exposition des salariés d’un service d’oncologie, avec un focus sur les femmes en âge de procréer. 

Contexte réglementaire

Absents de la directive européenne consacrée aux produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), les médicaments cytostatiques n’apparaissent ni dans le Code du travail français, ni dans les tableaux de maladies professionnelles de la Sécurité sociale.

Cette absence de réglementation entraîne une grande disparité au niveau de la prévention. Ainsi, la mise à l’abri des femmes enceintes n’est-elle pas systématique.

L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses) travaille sur le sujet, dans le cadre d’une saisine du ministère du travail.
Dans ses premières recommandations, datées d’octobre 2020, elle propose d’ajouter les travaux exposant aux substances actives cytotoxiques et cytostatiques à la liste des substances considérées comme cancérogènes, entrant dans l’arrêté du 5 janvier 1993.

Comment mesurer les niveaux d’exposition aux cytotoxiques par voie cutanée ?

Objectifs de l’intervention de l’ASTI

  • Evaluer l’efficacité des protections individuelles  => étanchéité des gants dans les conditions réelles d’utilisation, pertinence d’une double protection.
  • Evaluer les pratiques en place => efficacité de l’étape de retrait des gants et de nettoyage des mains. 

Matériel et méthode utilisés

Les études ayant porté sur la recherche de tels agents sur les diverses surfaces de travail ne permettent pas d’appréhender les niveaux d’exposition sans avoir à y associer l’utilisation d’un indice biologique d’exposition.  

L’identification de quantités mesurables de molécules actives sur des surfaces très variables de l’espace de travail peut en effet réveiller des inquiétudes chez les salariés.
La chimiste-toxicologue de l’ASTI a réalisé une campagne de prélèvements surfaciques ayant pour objectif l’évaluation de la contamination cutanée au niveau des mains des différents acteurs du service d’oncologie :

  • prélèvements de surface avec dosage du 5-fluoro-uracyl (5-FU), MAC le plus utilisé étant pris comme marqueur ;
  • frottis de surface avec des lingettes imprégnées d’eau et ensuite analysées par un laboratoire spécialisé dans le domaine de l’hygiène industrielle, de la toxicologie et de la biotoxicologie.

Cette démarche d’analyse est plus appropriée que les prélèvements atmosphériques. Il est en effet admis aujourd’hui que l’imprégnation des salariés se fait par absorption cutanée, sauf traitements particuliers du patient.

Les prélèvements sont faits sur des surfaces variées de la salle de reconstitution (préparatrice), en ambulatoire pour l’administration du MAC (IDE) et lors de l’activité de nettoyage (aides-soignants). La peau des mains des IDE juste après la manipulation des perfusions et le retrait des gants est également analysée.

Résultats de l’investigation

  • Pas de 5-FU retrouvé au niveau des zones de préparation (surfaces de travail et mains préparatrices / pharmacienne).
  • Pas de contamination des mains des IDE.
  • Pas de contamination indirecte mise en évidence au niveau des équipements de la zone administrative type téléphones, claviers d’ordinateur manipulés à mains nues par principe.
  • Détection sur le matériel d’administration / mobilier en zone d’administration et poubelles parfois manipulés mains nues.
  • Détection de traces sur les mains de l’ASH : certaines activités périphériques d’accompagnement du patient lui-même vecteur de contamination avec la prise en charge des patients en fin de traitement lors de la collation déconnectée de l’activité de soin.

Des bonnes pratiques aux différents postes ont été constatées et les moyens de protection sont adaptés.

Les résultats d’analyse positifs sur certaines surfaces ont permis d’échanger sur les pratiques individuelles afin d’harmoniser celles-ci.

Comme dans d’autres études, le personnel le plus à risque n’est pas le préparateur mais l’ASH. En effet, le préparateur a connaissance des risques situés sur des phases très précises et est en présence de moyens techniques adaptés.
Par contre, l’ASH est moins informé des dangers attribués aux médicaments anti-cancéreux alors qu’il est pourtant confronté à des situations d’exposition plus nombreuses et complexes.

Cette intervention a été présentée par Murielle Sellin, chimiste-toxicologue à l’ASTI, sous la forme d’un poster lors du 36è Congrès National de Médecine & Santé au Travail, le mercredi 15 juin, de 15h30 à 16h15.

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