Près de 10 ans d’interventions menées au sein de services de stérilisation conduisent aujourd’hui à s’interroger à la fois sur :
- l’évolution des problématiques de santé rencontrées,
- les liens avec les changements opérés dans les modes de gestion et d’organisation des établissements,
- les formes d’intervention conduites pour prévenir les atteintes à la santé des salariés.
Préserver la santé des soignants et des médecins
Services de stérilisation : évolution des problématiques de santé
Les problématiques de santé étaient, au départ, centrées sur la pénibilité physique associée aux activités de lavage et de conditionnement des dispositifs médicaux.
Elles s’expriment aujourd’hui à travers un délitement des coopérations des équipes mais aussi une mise à mal des managers dans la coordination des équipes.
Ces fortes dégradations relationnelles s’accompagnent d’impacts majeurs dans l’organisation du process de stérilisation, service aujourd’hui centralisé en dehors des blocs opératoires (dans une logique de service support au soin et non plus intégré au soin).
Elles impactent également la santé du personnel : usure professionnelle, difficulté à stabiliser les équipes.
Modes de gestion et d’organisation des établissements : quels impacts sur la santé des soignants ?
Au-delà des contraintes spécifiques liées aux activités de stérilisation et aux caractéristiques des équipes, le tournant gestionnaire pris dans les établissements de santé (évaluation, objectifs quantitatifs, certification et traçabilité) transparaît de façon aiguë notamment en stérilisation.
Les évolutions de l’activité chirurgicale impactent directement les activités de stérilisation avec le développement de l’ambulatoire et le flux tendu généré, l’accroissement des prêts de matériel chirurgical. C’est une logique de réduction des coûts et de prédominance du cure au détriment du care qui est mise en place.
L’accélération du rythme de travail et le changement dans la nature des soins et de la prise en charge des patients interrogent le sens du travail et les repères professionnels.
Ces modifications impactent aussi les services support comme la stérilisation ainsi que les modes d’organisation à mettre en place pour l’encadrement.
Ces dégradations viennent aussi révéler des enjeux de reconnaissance (du métier, du travail réel, de sa pénibilité), de charge de travail occasionnée et d’amplitudes horaires générées pour répondre aux objectifs quantitatifs fixés (12h, horaires de nuit).
Quels modes d’intervention mettre en place pour prévenir les atteintes à la santé des salariés ?
Ces évolutions dans la nature des problèmes soulevés et les demandes exprimées nécessitent donc aussi de revoir les modes d’intervention dans ces services.
De nouvelles formes d’action sont déployées pour tenter de répondre aux difficultés soulevées, en combinant :
- l’analyse de l’activité par des observations,
- l’animation d’espaces de discussion collective du rapport subjectif au travail des équipes,
- l’accompagnement de l’encadrement dans la coordination des équipes.
Recentrer les conflits sur le travail, les coopérations entre professionnels et les évolutions des modes d’organisation permettrait aussi d’amener un éclairage dépassant les services de stérilisation pour venir interroger plus largement le sens du soin vis-à-vis des patients pour les salariés, l’encadrement et les médecins.
Cette étude a été présentée par Julie Vidal, Ergonome Européen® à l’ASTI, sous la forme d’un poster, lors du 36è Congrès National de Médecine & Santé au Travail, le mercredi 15 juin, de 15h30 à 16h15.
Pour aller + loin
- Art médical et nomalisationd du soin, de Julien Dumesnil, 2011, Presses Universitaires de France
- Hôpital, si les gens savaient…, de Nora Sahara, 2021, Robert Laffont
- L’hôpital, une nouvelle industrie – Le langage comme symptôme, de Stéphane Velut, 2020, Collection Tracts (n°12), Gallimard
- Les médecins ont aussi leurs maux à dire, de Michèle Maury et Patrice Taourel, 2019, Erès
- Hippocrate, film de Thomas Lilti, 2014